Le café ou la muse éternelle.
Ecrivains, philosophes, peintres, compositeurs, comédiens
Tous fous de café !
Grand nombre de villes sont célèbres par leurs cafés : Prague, Buenos Aires, Paris, Florence, mais aussi Londres, Berlin, Madrid, Vienne, ou même Istanbul, pour n’en citer que quelques unes.
Haut lieu de bouillonnement intellectuel (débats politiques, philosophiques, prix littéraires ou même lieu de rencontres célèbres ou de création artistique) le café est depuis des siècles un endroit mythique et incontournable.
Car l’on s’y retrouve autour d’un « petit noir » dont les origines remonteraient au Xè siècle en Arabie, où le café, fortifiant et excitant était vu comme une boisson guérisseuse et utilisé, au cours des siècles, contre la mélancolie, la mauvaise humeur, comme crème de beauté et même du parfum !
Quant aux goûts secrets des personnages célèbres, on sait que Paul Morand, habitué du Deux Magots prend un café crème avec lait. Quant à Honoré de Balzac, dans son « Traité des excitants modernes », il écrit : Ce café tombe dans votre estomac (…) Dès lors, tout s’agite: les idées s’ébranlent comme les bataillons de la grande armée sur le terrain d’une bataille, et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop; l’artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses; les traits d’esprit arrivent en tirailleurs; les figures se dressent; le papier se couvre d’encre, car la veille commence et finit par des torrents d’eau noire, comme la bataille par sa poudre noire.
Dans Le Temps retrouvé, Marcel Proust nous livre sa propre vision du café : Le goût du café au lait matinal nous apporte cette vague espérance d’un beau temps qui jadis si souvent, pendant que nous le buvions dans un bol de porcelaine blanche, crémeuse et plissée, qui semblait du lait durci, se mit à nous sourire dans la claire incertitude du petit jour.
Beethoven, pour sa part, tenait à préparer lui-même son café le matin, suivant un même rituel, 60 grains par tasse.
Jorge Luis Borges, quant à lui, place le café dans son texte « Borges et moi », parmi ses choses les plus profondément chères « J’aime les sabliers, les planisphères, la typographie du XVIIIe siècle, le goût du café et la prose de Stevenson ».
Avec beaucoup d’humour Orson Wells déclarait détester trois choses par-dessus tout : le café brûlant, le champagne tiède et les femmes froides !
Nous connaissons tous la définition de Flaubert dans son « Dictionnaire des Idées reçues » : Café: Donne de l’esprit. N’est bon qu’en venant du Havre. Dans un grand dîner, doit se prendre debout. L’avaler sans sucre, très chic, donne l’air d’avoir vécu en Orient.
Sans oublier la photo de Céline, accompagné de son perroquet et devant un grand bol de café noir.
Ou les innombrables clichés de Sartre en compagnie de Simone de Beauvoir dans les terrasses de cafés parisiens.
Picasso, pour sa part, accompagné de Modigliani et ses acolytes se fit prendre en photo devant La Rotonde ou il dessinait sur les nappes guettées par les serveurs. Les surréalistes, ces vagabonds des rues, fréquentent les cafés de Saint-Germain-des-Prés, Montparnasse, Opéra ou Montmartre de façon ininterrompue : Ces buveurs de ballons de rouge, de blanc ou de kir, ces dégustateurs de Mandarin-curaçao, de Picon-grenadine, de diabolo-menthe, de rhum blanc, de petits marcs ou de café express, dosaient l’actualité du monde et la banalité du jour, visionnaient au ralenti les envols ou les plongeons de la modernité. (Théories des cafés, MBA de Caen, IMEC éditions / éd. Eric Koehler).
Situé au coeur du quartier de Saint-Germain, le café Procope était le lieu de prédilection des jeunes révolutionnaires. C’est là qu’ils tenaient leurs réunions et organisaient leurs fêtes. Benjamin Franklin y dînait de temps à autre, en compagnie de la belle Madame Brillon. Un soir, un jeune avocat de 20 ans, Georges Danton, l’interpella bruyamment : “le monde n’est qu’injustice et misère. Où est la sanction ? Votre déclaration n’a, pour se faire respecter, aucun pouvoir ni judiciaire ni militaire…” Franklin lui répondit : “Erreur ! Derrière cette déclaration, il est un pouvoir considérable, éternel : le pouvoir de la honte (the power of shame)*.”
Enfin, un proverbe turc définit le café ainsi : Noir comme l’Enfer, fort comme la Mort et doux comme l’Amour.
*Jean Ziegler, L’Empire de la honte.